Adrian Frutiger – années de formation

Quelques notes sur la jeunesse et la formation d’Adrian Frutiger, selon le livre « Ein Leben für die Schrift », 2003, Schlaefli & Maurer AG, Interlaken.

Apprentissage à Interlaken : 1944–1948

À l’adolescence, Frutiger montre un grand intérêt pour le dessin. Ernst Eberhard, enseignant, le recommande à un ami imprimeur, ce qui permet à Frutiger d’y faire un apprentissage, dans un atelier d’imprimerie au plomb, l’imprimerie Schlaefli, entre 1944-1948 (de 16 a 20 ans). Dans les années de guerre, une grande quantité de tâches d’exécution est confiée aux apprentis, qui doivent maîtriser toute la chaîne de l’impression. Son patron lui permet l’inscription à un cours du soir en gravure sur bois.

Dans son temps libre, Frutiger édite un petit livret « Die Kirchen am Thunersee »: un catalogue des anciennes églises autour du lac de Thoune. Il réalise les illustrations (gravures sur bois), rédige les textes et effectue la mise en page, dans une esthétique traditionnelle. Ce livret de 46 pages est édité en 1948 à 1000 exemplaires, pour honorer la fin d’apprentissage de Frutiger.

Etudes à Zurich : 1949–1951

Son but professionnel est de devenir artiste peintre ou typographe. Pour rassembler l’argent nécessaire aux études, Frutiger est apprenti pendant une année (en 1948) comme compositeur typographe dans une imprimerie à Zurich (Gebr. Fretz AG). À la Kunstgewerbeschule Zurich, il s’inscrit dans la formation de concepteur de caractères (Schriftgestalter), de 1949 à 1951. Il est le troisième élève à suivre cette formation spécialisée, après Hans Eduard Meier (de 1943 à 1945) et Max Kämpf. L’enseignement comporte deux branches principales: la calligraphie (« Schriftschreiben ») auprès d’Alfred Willimann (quatre demi-journées), et le dessin de caractères (« Schriftzeichnen ») après de Walter Käch (une demi-journée). Les autres cours obligatoires comprennent « Dessin d’objet » et « Perspective. »

Walter Käch est un graphiste indépendant, formé par Ernst Keller, qui porte un intérêt particulier à l’étude des capitales romaines. Il visite des sites archéologiques en Italie pour produire des centaines de relevés d’inscriptions romaines. Il étudie minutieusement les proportions, l’épaisseur des traits, les courbes. C’est dans son cours que Frutiger a la vision d’une famille de grotesques, et développe les premières esquisses de ce qui deviendra Univers. Une esquisse datée de février 1951 est montrée dans le livre « Ein Leben für die Schrift » (p.23). On la trouve aussi sur le site eGuide du musée de design de Zurich.

Dans le cours de Willimann, Frutiger apprend l’évolution des écritures. Willimann enseigne comment la position de la plume influence le trait, décrit l’importance des espaces intérieurs et extérieurs, le rythme de l’écriture.

En 1951, Frutiger, âgé de 23 ans, réalise son travail de diplôme : « le développement de l’écriture occidentale, depuis le grec jusqu’à la minuscule humaniste ». Ne parvenant pas à produire des feuilles qui ne soient pas tâchées par ses doigts et exemptes de fautes d’orthographe, il décide de produire des planches imprimées. Il calligraphie l’écriture sur papier, puis la grave dans des planches de bois, pour aboutir à neuf plaques impeccables. Ce travail est édité en 1951 sous forme de leporello sous le titre « Schrift. Ecriture. Lettering. Bois originaux illustrant l’évolution de l’écriture en Europe », accompagné d’un texte d’Alfred Willimann.

Frutiger envoie une copie de son travail de diplôme à toutes les fonderies d’Allemagne et de France, dont la fonderie Deberny & Peignot. Charles Peignot l’invite à venir travailler dans son entreprise pour une année. Charles Peignot a acquis la licence pour la construction du Lumitype pour l’Europe, et prévoit de produire des caractères pour ce système. Frutiger déménage à Paris en 1952. Frutiger est alors âgé de 24 ans.

Media 77 , un nouveau caractère pour la photocomposition (dans TM-RSI)

En septembre 1977, le trio de designers typographiques opérant sous le nom Team’77 (Erich Gschwind, André Gürtler, Christian Mengelt) présentent dans les pages du magazine TM-RSI (Typogafische Monatsblätter / Revue suisse de l’Imprimerie, numéro 8/9.1977) un long article de 20 pages, présentant « un nouveau caractère pour la photocomposition ». Le caractère Media a été développé pour le système de photocomposition Eurocat de Bobst Graphic.

L’article décrit le processus de conception, qui commence par le développement de 5 variantes (A à E). Le même dessin de base doit couvrir la gamme des corps de 6 à 36.

Parmi les cinq propositions, deux variantes, C et E, sont retenues pour faire l’objet d’un développement approfondi (Projet 1 et Projet 2).

C’est la proposition 1 qui est retenue. S’ensuivent les étapes de dessin de l’alphabet, puis la déclinaison en différentes graisses (du light au bold) et largeurs (de narrow à extended).

L’article s’achève sur une forme de manifeste créatif signé par le trio (dont la force est quelque peu amoindrie dans la traduction française et anglaise, donc voici l’original):

Die Schriftform ist letztlich auch Ausdrucksform, und solange unser kreatives Bewusstsein Mitteilungen in bestimmte Formen kleiden möchte, so lange suchen wir immer wieder nach anderen, neuen formalen Ausdrucksmöglichkeiten in der Schrift.

Lien vers le scan de l’article (PDF, 19.7 Mo):

Swiss Graphic Designers 1957

Une exposition marquante qui a voyagé à travers les Etats-Unis en 1957: https://specificobject.com/objects/info.cfm?object_id=12911

Participent à l’exposition: Noel Martin, Josef Müller-Brockmann, Adolf Flückiger, Karl Gerstner, Armin Hofmann, Gottfried Honegger, Richard P. Lohse, Hans Neuburg, Siegfried Odermatt, Emily Ruder, Nelly Rudin, Max Schmid, Carlo Vivarelli

Publications: Exhibition catalogue published in conjunction with show held at the Contemporary Arts Center, Cincinnati Art Museum.

Traveled to:

  • the Institute of Contemporary Art, Boston;
  • the Currier Gallery of Art, Manchester, New Hampshire;
  • the American Institute of Graphic Arts, New York;
  • the Akron Art Institute;
  • the Milwaukee Art Institute;
  • the Art Center in La Jolla, California;
  • and the San Francisco Museum of Art.Texts by Noel Martin and Josef Müller-Brockmann.

Artists include Josef Müller-Brockmann, Adolf Flückiger, Karl Gerstner, Armin Hofmann, Gottfried Honegger, Richard P. Lohse, Hans Neuburg, Siegfried Odermatt, Emily Ruder, Nelly Rudin, Max Schmid, and Carlo Vivarelli. Includes a brief biography for each artist. Printed in black-and-white.

Lire aussi: http://wiedler.ch/felix/books/story/620

Et un entretien de Steven Heller avec le curateur, Allon Schoener: https://designobserver.com/feature/the-swiss-grid/40187

Dorothea Hofmann: Die Geburt eines Stils

Quelques notes de lecture autour de livre de Dorothea Hofmann « Die Geburt eines Stils » (Naissance d’un style), qui dessine avec détail les influences de l’école de design de Bâle sur le graphisme suisse.

Le livre est publié en 2016 par la maison d’édition zurichoise Triest (qui a un programme passionnant, et vient p.ex. de publier un ouvrage consacré à Rosmarie Tissi).

Quelques femmes graphistes mentionnées par l’auteure:

Thérèse Moll (1934-1961): étudie le graphisme à Bâle, travaille dans l’atelier de Karl Gerstner, puis à Geigy, puis au MIT. Citation d’Elizabeth Resnick (p. 381): « Thérèse Moll was instrumental in bringing Swiss Design Principles to MIT in 1958, influencing Jacqueline Casey and Muriel Cooper during her short working stint in Boston. »

Nelly Rudin (1928-2013): étudie le graphisme à Bâle, travaille pour Geigy. Prend part à l’exposition Swiss Graphic Designers de 1955.

Elisabeth Dietschi

Heidi Schatzmann

Sigrid Bovensiepen

Inge Druckrey

Barbara Stauffacher Solomon

Hans Eduard Meier, TM-RSI 3.2014

En décembre 2014 sortait le numéro 3.2014 de la revue TM-RSI (Typografische Monatsblätter). Il s’agit de l’avant-dernière parution de cette revue, qui comporte un dossier spécial dédié au typographe Hans Eduard Meier, décédé le 15 juillet 2014.

H.E. Meier est le créateur de la fonte Syntax (conçue de 1955 à 64), et l’auteur du livre Le Développement des Caractères (Niggli, 1959). Il a enseigné le dessin de caractères à l’école d’arts appliqués de Zurich de 1950 à 1986.

TM-RSI-Hans-Eduard-Meier-2014-03 (pdf, 56 Mb)

Querelle Bill – Tschichold

En 1946 s’est déroulé, dans les pages du périodique Schweizer Graphische Mitteilungen (SGM), une « querelle » entre les typographes Max Bill, autour du design graphique et de la typographie.

* Conférence de Jan Tschichold à Zurich: «Konstanten der Typografie» [Constantes de la typographie] (1945).
* Max Bill, « Über Typografie » [de la typographie], numéro d’avril 1946 des SGM.
* Jan Tschichold, “Glaube und Wirklichkeit” [Belief and reality / Mythe et réalité], numéro de juin 1946 des SGM.

Ces deux textes ont été traduits en anglais par Robin Kinross et Ruari McLea dans Typography papers, et en français dans la Revue suisse de l’imprimerie en 1995 (par François Rappo).

Les textes ont été édités en 2014 sous forme de livre par les éditions B42 (ils sont inclus en annexe, l’essentiel du livre étant un essai de Hans Rudolf Bosshard). Le livre a été publié en 2012 en allemand chez Niggli, sous le titre Der Typografiestreit in der Moderne. Max Bill kontra Jan Tschichold (amazon / helveticat).

Lire à ce sujet:

Suites de la querelle en 1957

Tschichold récidive en 1957, avec un article «Zur Typographie der Gegenwart» [Sur la typographie contemporaine], publié dans « Börsenblatt für den deutschen Buchhandel », où il « réfute tour à tour chacun des principes de la typographie suisse » (Robin Kinross, La Typographie moderne, p. 150). En réponse, un hors-série des Typographische Monatsblätter paraît en 1957. Il contient entre autres l’essai de Karl Gerstner « Integrale Typographie ».

Todo: obtenir les textes originaux, les publier.